La petite reine à l’assaut des Châteaux méconnus de la Loire
mai 3, 2022Les Châteaux de la Loire regroupent une multitude d’édifices tous plus beaux les uns que les autres. Cependant, au lieu de vous concentrer sur les plus célèbres, venez découvrir ceux plus anonymes à travers un moyen de locomotion alternatif, le vélo.
La Renaissance a profondément marqué le Val-de-Loire. Durant cette période historique, de nombreux domaines ont été rénovés ou construits par des nobles afin d’importer le style de vie italien dans cette région.
Amboise, Chambord, Chenonceau, autant de noms qui marquent les cœurs et les esprits. Ils ont d’ailleurs tendance à tirer toute la couverture sur eux, ce qui empêche d’autres châteaux remarquables d’être mis en lumière.
Afin de réparer cette erreur, nous vous avons concocté un parcours à travers lequel vous allez réaliser que ces bâtiments n’ont rien à envier à leurs illustres voisins.
Les cuisses seront peut-être engourdies, les mollets douloureux, mais le sentiment du devoir accompli occultera tout cela. Enfourchez donc votre plus belle bicyclette et partez à la conquête du bitume !
Jour 1 : De Azay-le-Rideau à Tours
- Distance parcourue : 37,3 km
- Ville de départ : Azay-le-Rideau
- Ville d’arrivée : Tours
- Lieux à visiter : Château de Saché – Musée Balzac et Domaine de Candé
Ce périple commence sur les bords de l’Indre, à Azay-le-Rideau précisément. Si vous apercevez le château de cette ville, regardez le bien car ce n’est absolument pas la thématique de votre voyage.
A peine 7 kilomètres vous séparent de votre premier monument. Pour l’atteindre, rien de plus simple, suivez le cours d’eau jusqu’à deviner le Château de Saché. Une fois arrivés, mettez en place la béquille pour poser votre vélo en équilibre et partez à la découverte de ce lieu.
Le Château de Saché, lieu de repos de Balzac
Le Château de Saché est une excellente entrée en matière pour la visite de ces ouvrages méconnus. Ne vous attendez pas à visiter 1001 salles ni vous perdre entre l’aile Ouest ou l’aile Est. De plus, une atmosphère particulière se dégage de l’édifice, fruit de ses différents locataires.
Les premières pierres ont été posées dès l’époque médiévale mais le corps du bâtiment date bien du XVème siècle. Puis au XVIIème siècle, une première extension sort de terre. 100 ans plus tard, une seconde construction s’ajoute et donne son aspect final au bâtiment.
En revanche l’intérieur est profondément marqué par le XIXème siècle. Bien avant d’hérité du château en 1812, Jean de Margonne y séjourne régulièrement. Il apprécie le silence qui habite les lieux et tient également à en faire profiter son meilleur ami, Honoré de Balzac.
L’écrivain tourangeaux est las de sa vie tumultueuse de Paris. Pour continuer à écrire, il lui faut calme et quiétude. Installé dans la plus haute tour du château, il peut enfin reprendre la plume. L’inspiration revient, les mots se couchent facilement sur le papier et il enchaîne les ouvrages. L’écrin bucolique devient sa muse et pour lui rendre hommage il décide que son roman Le Lys dans la vallée prenne vie dans ce cadre idyllique.
En 1926, Paul Métadier rachète la propriété qui commence à être sérieusement laissée à l’abandon. Une idée germe, l’esprit de Balzac semble toujours habiter les lieux alors pourquoi ne pas lui rendre hommage ? Les idées se bousculent sur la manière de le faire et c’est le fils du propriétaire, Bernard-Paul, qui convainc son père d’en faire un musée.
Grand salon, salle à manger, tout semble d’époque. En vous baladant, vous aurez l’agréable sensation que l’auteur de la Peau de Chagrin vous accompagne pour vous faire découvrir son havre de paix. Devant sa chambre, vous croirez même le voir s’asseoir pour se mettre en action.
Si l’intérieur se visite comme une reconstitution historique, le parc de 2 Ha qui jonche le château invite à la contemplation des paysages de la vallée de l’Indre. Avant de remonter sur votre vélo, prenez le moment de flâner pour faire le plein d’énergie.
Reprenez votre route jusqu’à retrouver l’Indre. Suivez-le autant que faire se peut pour tomber nez à nez avec le Domaine de Candé.
Domaine de Candé
C’est un édifice dans le pur style de la Renaissance qui s’offre à vous. En 1499, le maire de Tours François Briçonnet achète les 600 Ha qui composent le domaine pour y implanter un pavillon de plaisance. Malheureusement il décède en 1504 et ne peut donc pas jouir de sa future propriété. Sa fille décide de mener le projet à bien et les travaux se finissent en 1508.
350 ans plus tard, Santiago Drake del Castillo, notable anglo-cubain, devient le nouveau propriétaire des lieux. Il missionne l’architecte tourangeau Jacques-Aimé Meffre pour rendre le bâtiment plus spectaculaire. Une nouvelle aile est ajoutée au pavillon, triplant ainsi la superficie habitable.
La grandeur et la beauté de l’édifice vous subjugue. Décidément, il n’a rien à envier à certains de ces confrères ! Des magnifiques boiseries du salon à l’orgue Skinner, en passant par la gigantesque bibliothèque, tout mérite d’être vu.
Un autre élément attire votre attention durant votre visite, le modernisme des lieux. Il est le fruit du sulfureux couple franco-américain Charles et Fern Bedaux. Les deux milliardaires achètent le château en 1927 et installent le chauffage central, l’électricité dans toutes les pièces ainsi que le téléphone !
Les Bedaux voulaient également que leur propriété rentre dans l’histoire. Grâce à un jeu de relation, le domaine de Candé a pu accueillir le « Mariage du Siècle » entre le Duc de Windsor et la roturière Wallis Simpson en 1937. L’union avait fait grand bruit à l’époque puisque l’héritier de la couronne d’Angleterre renonça à son trône « juste » par amour.
Si vous désirez revivre cet événement, direction la bibliothèque car c’est ici qu’a eu lieu la réception des deux tourtereaux. Par ailleurs, vous pouvez toujours admirer l’immense collection de livre. Ils appartenaient à Fern, véritable passionnée de lecture.
Veuve à partir de 1944, elle décide de léguer le domaine en 1951 à l’Etat français mais reste dans la propriété jusqu’à son dernier souffle en 1972.
Votre première journée de visite s’achève et vous avez déjà hâte d’être à demain pour continuer votre aventure. Mais pour être d’avoir l’énergie pour y arriver, reposez-vous à Tours.
Jour 2 : De Tours à Chenonceaux
- Distance parcourue : 45,7 km
- Ville de départ : Tours
- Ville d’arrivée : Chenonceaux
- Lieux à visiter : Forteresse de Montbazon et Château de Fontenay
Lorsque le jour se lève sur l’ancienne cité gallo-romaine, c’est qu’il est bientôt l’heure de reprendre la route ! Après un bon petit-déjeuner, remettez le pied sur les pédales pour vous diriger vers la Forteresse de Montbazon, situé au Sud de la Ville.
Forteresse de Montbazon
Vous voilà au cœur d’une bataille familiale ! Ce monument millénaire n’était au départ qu’un simple donjon de bois. Mais le Comte d’Anjou, Foulques III Nerra, le remplace par un édifice en pierre de 36 mètres de haut et des murs de 3 mètres d’épaisseurs.
En pleine guerre contre son cousin Eudes II de Bois pour lui ravir Tours, il lui fallait un camp de base pour être au plus proche de son ennemi. En vain, l’actuel chef-lieu de l’Indre-et-Loire restera aux mains d’Eudes.
Au fils des siècles le domaine s’agrandit. D’abord par le descendant direct de Foulques III, son fils Geoffroi Martel. Puis c’est avec le roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt qu’il devient cette forteresse imprenable. Les murailles crénelées, le chemin de ronde et la haute tour sont les traces de son passage remarqué.
En 1205, Philippe Auguste, Roi de France, en devient l’heureux propriétaire. Il fait ériger les tours rondes et les remparts de la seconde chemise. Plusieurs familles notables récupèreront l’édifice – les Mirabeau, Savary, La Rochefoucauld – pour finalement se retrouver à l’abandon après la Révolution.
Malgré les ruines restantes, vous captez toute la grandeur de l’édifice et son aspect militaire. Des trébuchets sont toujours présents sur le site et vous vous demandez comment un maître de guerre aurait pu prendre d’assaut l’immense la forteresse.
Les animations présentes sur place vous replongeront dans les temps médiévaux et vous ne verrez plus le temps passer. Parbleu, il va bien falloir quitter l’édifice car d’autres trésors vous attendent ! C’est en suivant la direction de l’Est que vous arriverez au Château de Fontenay.
Le château de Fontenay
Ce château puise son histoire depuis le XIème siècle. A l’époque ce n’était qu’un moulin qui permettait d’acheminer l’eau du fleuve jusqu’au village de Bléré puis, au gré des acquisitions, il devient un château. Finalement le pire arrive en 1871, un incendie déclenché par des Prussiens le ravage et laisse derrière lui un tas de ruine.
Fort heureusement, Auguste Bucquet, peintre et architecte parisien, rachète le terrain. Il ordonne la reconstruction et 20 ans plus tard, un nouvel édifice remplace l’ancien. Folie des grandeurs ou marque de reconnaissance, son nom apparaît sur le fronton de la porte d’entrée.
Cependant, l’entretien laisse à désirer et le bâtiment décrépit. Son salut arrivera en deux étapes. Au milieu des années 1990, des viticulteurs s’y installent pour développer la partie vignoble du château. Une dizaine d’années plus tard, une famille parisienne rachète l’établissement et souhaite que l’édifice récupère ses lettres de noblesses. Elle rénove alors le château pour en faire un gîte.
Il n’est malheureusement pas ouvert à la visite et si vous voulez découvrir l’une des quatre chambres, une réservation est obligatoire. Si tel est le cas, vous découvrirez alors des chambres soigneusement décorées, mêlant luxe discret et modernisme traditionnel.
En revanche, les hôtes se feront un plaisir de vous faire visiter le vignoble. Au fur et à mesure de la balade, vous pourrez déguster les vins produits localement. Les cépages poussent sur une terre principalement constituée d’argile, de sable et de silex donne une complexité au vin et une explosion de saveur au nez.
N’abusez pas trop non plus des bonnes choses, les pédales ne pourront pas s’actionner toute seule. A moins que vous décidiez de rester dormir sur place. Sinon, c’est Chenonceau qui vous accueillera pour recharger les batteries.
Jour 3 : De Chenonceaux à Chaumont-sur-Loire
- Distance parcourue : 58,3 km
- Ville de départ : Chenonceaux
- Ville d’arrivée : Chaumont-sur-Loire
- Lieux à visiter : Château de Montpoupon et Château de Fougères-sur-Bièvres
C’est un petit-déjeuner de champion qu’il faudra ingurgiter pour arriver à bout de l’étape la plus longue de votre escapade. L’arrêt dans le gite de Fontenay pourrait donc se révéler être une riche idée. Néanmoins, Chenonceau abrite sûrement des établissements aptes à vous sustenter correctement.
Lorsque vous serez rassasiés et bien en jambes, pédalez jusqu’au Château de Montpoupon.
Château de Montpoupon
Son nom n’a rien à voir avec un éventuel enfant égaré en haut d’une colline. Il provient d’un clan germanique, les Poppo, qui établirent leur camp de base sur l’endroit actuel du château. Sobrement appelé Mons Poppo, il finit par obtenir sa dénomination actuelle après une traduction française littérale.
Les recueils historiques permettent d’établir que les premiers seigneurs à s’être occupé du domaine sont les de Prie. Sans leur intervention, la nature aurait repris ses droits puisque l’édifice originel fut détruit lors de la Guerre de Cent ans.
La légende raconte que François 1er y aurait dormi après une chasse à courre particulièrement éprouvante. Mais cela reste le seul fait de gloire de la propriété. Au fur et à mesure des années, le château est victime de l’éloignement de la cour vers Versailles. Même ses propriétaires préfèrent passer du temps en région parisienne que de rester dans leur fief du Val de Loire.
La lignée de la Motte Saint Pierre, ancêtre des actuels propriétaires, finit par racheter le domaine au de Prie et le restaure en gardant l’esprit de la Renaissance. Depuis 1974 ils ont décidé de laisser les visiteurs admirer leur propriété.
Commencez par la salle à manger. La pièce est assez austère à cause des poutres noires et grises qui ornent le plafond. Si vous avez visité Chenonceau, elles vous remémoreront la chambre de la Reine Louise. Elle avait décidé d’habiller la pièce de ces « poutres de deuil » après la mort d’Henry III.
Pour continuer avec ces histoires de charpentes particulières, la salle d’Amboise vous est tout indiquée. Cette fois-ci elles sont rouges grâce une coloration obtenue grâce à du sang de bœuf.
Faites également un tour dans le petit musée du Veneur. 30 salles s’offrent à vous dans le seul but de mettre à l’honneur les artisans dévoués à la chasse à courre. Vous remarquerez que certains murs sont habillés de carrés Hermès® dont les motifs originels ornaient la selle des chevaux.
S’il vous reste encore peu de temps et d’énergie, embarquez-vous dans la balade forestière. Sinon, reprenez votre vélo pour atteindre Chenonceaux.
Le Château de Fougères-sur-Bièvre
Du bâtiment originel de Xième siècle, il ne reste plus que le donjon. La faute encore aux Anglais et à la guerre de cent ans. Nous devons donc le château à Pierre de Refuge, conseiller du prince Charles d’Orléans et trésorier du Louis XI.
Refuge fait de cet édifice une véritable forteresse à l’architecture militaire et que c’est finalement grâce à son petit-fils qu’il doit son style Renaissance. Celui-ci agrandit les portes, comble les douves et surtout, supprime le pont-levis.
Le Château de Fougères-sur-Bièvres brille par sa sobriété tout en conservant un certain charme. Dès que vous arrivez, vous serez subjugués par la multitude corps de logis ainsi que les frontons sculptés. D’ailleurs, une référence à la Normandie s’y cache. Vous pourrez voir l’effigie de Saint-Michel combattant le dragon.
L’intérieur garde toujours les influences militaires. Contrairement à vos autres visites, il n’y a aucun meuble qui vous permettent de vous plonger complètement dans l’atmosphère de la Renaissance ou dans celle des propriétaires. Cependant, des nombreux panneaux explicatifs jalonnent votre parcours et vous apportent les informations nécessaires à la compréhension des lieux.
Les jambes doivent être lourdes et les cuisses meurtries. Un dernier effort pour avaler la dizaine de kilomètres qui vous sépare de Chaumont-sur-Loire pour obtenir un repos bien mérité.
Jour 4 : De Chaumont-sur-Loire à Chambord
- Distance parcourue : 38,9 km
- Ville de départ : Chaumont-sur-Loire
- Ville d’arrivée : Chambord
- Lieux à visiter : Château de Beauregard et Château de Villesavin
Déjà 3 jours que vous écumez les routes du Val-de-Loire. Les jours comme les kilomètres sont passés à une vitesse et vous voilà déjà fin prêts pour la dernière étape.
Le Château de Beauregard
D’après d’anciens plans, la première construction fut un manoir que nous devons au seigneur François Doulcet. Mais, pour avoir escroqué la famille royale durant les campagnes d’Italie, le châtelain se voit confisquer sa propriété qui échoue directement au Roi de France.
François Ier l’utilise de temps à autre entre deux parties de chasse à courre et finit même par léguer le bâtiment à son oncle René de Savoie. Il meurt tragiquement lors de la défaite de Pavie mais son épouse garde la possession du château.
Moins de 20 ans plus tard, Jean du Thier, ministre des finances du roi Henri II, le rachète pour 2 000 écus. Il entreprend alors d’importants travaux pour faire rentrer le château dans la cour des grands. Une galerie et une aile en retour d’équerre s’ajoutent, lui donnant un air fortement italien. Dites-vous bien qu’à l’époque, il était déjà considéré comme un des plus bâtiments de France.
Mais sa notoriété provient surtout de ce qui s’y trouve à l’intérieur. Paul Ardier, ministre sous Louis XIII, décide de s’offrir comme cadeau de retraite le château. Lui et ses descendants s’occupent de magnifier les murs en les habillant de délicates boiseries de chêne ou en peignant les plafonds au lapis-lazulis.
Ils ont également réussi à réunir 327 portraits qu’ils ont entreposés tout le long de la Galerie des Illustres. A vous de deviner qui s’est fait tirer le portrait ! Après avoir vu cela, une réflexion vous vient à l’esprit. Finalement vous pourriez appeler ce château « Beauregard le bien-nommé » !
Plus qu’un dernier coup de pédale pour arriver au Château de Villesavin. Et après tout ce que vous avez fait, cela ne représente pas grand-chose !
Château de Villesavin
Alors que le joyau des Châteaux de la Loire est en train de sortir de terre, il fallait bien un avant-poste pour surveiller l’avancement des travaux. C’est pour cela que l’édifice de Villesavin se nomme « La Cabane du chantier de Chambord ».
Ses pavillons de forme carrée sautent directement aux yeux. Peu commun pour l’époque, il est d’ailleurs un précurseur en la matière. Dirigez-vous tout de suite vers la chapelle, plus belle partie de ce bâtiment. C’est une œuvre d’art à part entière ! Son plafond est recouvert d’angelots bien en chair tenant tous les instruments de la passion du Christ.
A l’instar du Château de Montpoupon, un petit musée prend place dans le bâtiment. Sa collection porte sur le thème du mariage entre les époques 1850 et 1950. Faufilez-vous entre les différents mannequins de cire habillés de costume d’époque et découvrez toutes les étapes importantes de l’événement qui bouleverse la vie.
La visite se termine avec la salle des globes, avec à l’intérieur plus de 350 couronnes de mariage. Relevez bien la composition des parures. Par exemple, la présence de feuille de chêne symbolise la longévité du couple, le lierre l’attachement…
La tournée des Châteaux de la Loire méconnus touche à sa fin. Cependant, tels les coureurs cyclistes arrivant sur les Champs-Elysées, vous pouvez finir en apothéose en ralliant Chambord. Certes, ce serait faire une infidélité aux 8 édifices que vous avez vu ces derniers jours…
Qu’importe votre choix, l’essentiel est que vous savez désormais que d’autres pépites existent. Il ne vous reste plus qu’à aller prêcher la bonne parole.